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La Plaine - Collectif
Vue sur le bookleg #192 – La Plaine – 2024 – éditions maelstrÖm reEvolution
L’utopie, le non-lieu, l’absence, et le désir ; ce qui fait rêver, ce qui anime notre chair d’une frustration largement dépassée par la volonté.
La plaine, la table rase ? La plaine, c’est l’étendue, c’est là où l’horizon existe. La plaine c’est entre deux reliefs.
Dévastée, verdoyante ou vivante, la plaine est un lieu de projection pour coucher comme sur du papier, nos envies. La couleur complémentaire de ce qui définit la plaine est le choix que chaque auteur.ice a réalisé dans ce recueil. Chaque personne a prolongé la plaine pour fictionner le monde, le faire durer dans son absence du futur à venir.
Personne ne doit rester sidéré∙e et mis∙e de côté. Le poème attrape ses passagèr∙es. Il donne lieu à voir, à manger pour rassasier les craintes, la solitude. Il soude le profond sensitif de ses partagé∙es entre elleux.
La plaine est tantôt incantée, souhaitée, appelée à nous. Parfois, elle est dévoilée, le poème est une révélation. Le chant poétique invoque et fait son mea culpa. Il éclate les délimitations pour voir d’autres barrières : le temps.
Pour encore une fois enfoncer les impossibilités, il faut se transformer soi-même en plaine. Être la plaine, ça fait corps. Ça fait sens. C’est embrasser le désir, le devenir et inviter chaque personne dans son domaine.
La plaine accueille, comme deux mains sous un filet d’eau. Quelques gouttes s’échappent et il faut plonger dans les entrailles. Sous le sol, dans la terre, dans la planète. Retrouver l’espace multidimensionnel où autant de stalagmites font tenir le monde. Doit-il tenir ? Ne serait-ce que pour les grenouilles : oui.
Habiter la plaine c’est vertical et horizontal. Habiter des sphères ? Trop peur de formaliser ce qui est joué ; ce n’est pas fonctionnel. Si l’on vivait dans des maisons imaginées par des enfants, ce serait proprement humain. On leur demanderait peut-être de rehausser le plafond seulement.
On quitte la plaine, on s’en émancipe. On ne l’oublie pas, on ne l’élimine pas. On la prolonge. Comme les cartes embrumées des jeux vidéos, la plaine cesse aux nouvelles frontières. Elle transporte son rêve au-delà. C’est les montagnes, les îles, la mer, les collines, les récifs, les roches, les déserts et les trous. C’est l’univers, le cosmos ou les panthéons. Mais surtout, le rêve de la plaine c’est la plaine. Elle se dérive en plein de chemins, mais chacun d’eux garde la trace de la plaine.
Alex le 15/05/2025
(Grands-)mères en lumière
Huit autrices transmettent l’histoire de leurs aînées afro-descendantes et maghrébines
(Sortie le 5 novembre - Lecture performée à l'Espace Magh à Bruxelles)
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56 Descentes dans le maelstrÖm
On ne s'excuse de rien ! collectif L-slam
Je suis la fille des sorcières qu’ils ont brûlées sur le bûcher,
J’ai hérité des flammes et de leurs âmes enragées parties en fumée. (« June », Joy)
Récemment, un client m’a demandé conseil à la boutique. Il avait vu que notre vitrine exposait pas mal de « livres de la colère » (Ensauvagement ou L’abécédaire de la colère par exemple) et souhaitait donc trouver un livre de ce genre, qui selon lui correspondrait à sa fille qu’il m’a décrite comme étant justement « en colère ». Assez naturellement, je l’oriente donc vers On ne s’excuse de rien ! du collectif L-SLAM. Il faut dire que je venais d’achever la lecture de ce recueil de poésie et slam et qu’il me faisait beaucoup cogiter. Engagé et férocement inscrit dans le temps présent, ce livre contient des témoignages de femmes auxquels il est facile de s’identifier. Il a réveillé chez moi des sentiments d’injustice ainsi qu’une volonté d’opposition, de révolution et de changement.
Le client est reparti avec l’ouvrage dans les mains, me laissant avec une nouvelle source d’interrogation. Est-ce que je l’ai bien conseillé ? Est-ce que On ne s’excuse de rien ! est vraiment un « livre de la colère » ? Au fond, qu’est-ce qu’un livre de la colère ? Quand j’y pense de façon abstraite, cette émotion a plutôt une connotation négative pour moi. Une personne en colère, c’est quelqu’un d’agressif, de violent, de méchant, non ? Et pourtant, la fille de ce client, je l’ai imaginée non pas comme un enfant qui faisait sa crise ou comme une personne mauvaise, mais bien comme une jeune femme révoltée face à certains aspects de la vie. Quelqu’un qui a peut-être du mal à se positionner dans la société, quelqu’un qui ne supporte pas de voir les injustices encore trop présentes dans bien des domaines. Une personne en colère, c’est aussi quelqu’un d’engagé finalement, quelqu’un qui veut changer les choses. Le sentiment de révolte, la dénonciation, l’engagement, tout ça peut avoir trait à la colère et être à l’origine de quelque chose de positif.
Vérifions un instant sur Internet. Le TLFi définit la colère comme une « vive émotion de l'âme se traduisant par une violente réaction physique et psychique ». C’est exactement ce que suscite la lecture du recueil. Personnellement, je me suis sentie tour à tour concernée, consternée, mais aussi révoltée et émue. Alors oui, On ne s’excuse de rien ! est un livre de la colère et j’ose espérer que la jeune fille telle que je me l’imagine y trouvera des échos à ses propre ressentis. Bien plus qu’un simple manifeste féministe, ce livre est une succession de 57 voix, 57 voix qui slament, qui clament la diversité, qui réclament la légitimité, mais surtout qui proclament leur liberté. C’est un cri du cœur, du corps et de l’âme. Difficile de rester insensible à ces femmes qui prennent la parole en même temps que le pouvoir. Ça sort des tripes. Ça prend aux tripes. Ça touche au plus profond. Vive émotion de l’âme.
Impossible de parler de ce recueil sans dire un mot sur L-Slam et son projet. Il s’agit d’un collectif 100% féminin qui réunit des poétesses et slameuses, aussi bien novices que plus expérimentées (Lisette Lombé, Joy…). Poussées par une forte valeur de solidarité, elles prônent l’émancipation des femmes et la valorisation de la diversité (sociale, religieuse, ethnique…) notamment via l’organisation d’ateliers et podiums de slam. L’objectif est de pousser les participantes à monter sur scène, à oser créer, s’exprimer, à s’affirmer et à en être fières. Dès lors, le titre du recueil prend tout son sens.
Les Vassilissa, les Semira, les Rosa, les Makeda, les Kahina, les Mathilda
Les Josette, les Lisette, les Marinette, les Colette, les Mistinguette
Les Anne-Marie, les Kiki, les Milady, les Lucies, les Calamity, les Fifi
Elles n’ont pas d’âge, ni pays
Elles qui autrefois
Elles qui demain
Elles qui aujourd’hui
C’est la symphonie des elles
C’est la sainte folie des elles
de celles qui nous donnent des ailes
Tu es l’une d’elles (« Indomptables », Anne Guinot)
Charlotte André (avril 2021)
Stagiaire
Notes
• En savoir plus sur le collectif L-Slam : https://www.facebook.com/LSlamWithHeartAndSoul
• On ne s’excuse de rien ! (2019), 15 €, disponible à la boutique Maelström (ou sur commande)