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samedi, 26 mars 2022 16:44

Aliette Griz - S'éclipser

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Aliette Griz est autrice, animatrice, réalisatrice et conceptrice de projets de poésie collective. Elle vit à Bruxelles et c’est une ancienne blogueuse.

Son livre S’éclipser (éd. l'Arbre à paroles, coll. IF) raconte une histoire d’amour entre un homme politicien et une jeune femme mannequin. Cette relation dure à peu près un an et se détériore. Le lecteur se voit embarqué dans cette relation de son origine aux derniers jours, derniers espoirs.

Cet homme âgé passe son temps entre des réunions, des voyages ou des discours. Accordant toujours les mêmes attentions, offrant toujours les mêmes cadeaux, sa copine s’efface de jour en jour. Ses rêves, son identité et sa vie perdent leur couleur. Qui est-elle ? Où va-t-elle ? Que veut-elle ? Elle s’interroge et comprend que cette relation ne lui apporte rien. Elle écrit, d’ailleurs, ceci :

« Je suis là dans cet aéroport, à cette table, avec ce serveur collant, à boire du champagne, à t’attendre, ce n’est pas le meilleur champagne que j’ai bu. Je garde l’espoir de te voir surgir parmi la foule à ma recherche, dans cet aéroport de passage. Est-ce que j’ai pris la bonne décision ? Prendre de la distance pour mieux revenir, prendre de la distance pour mieux réfléchir ou prendre de la distance pour ne jamais revenir. Tu étais là sans être là, à me laisser des mots, à m’offrir du parfum carré, à m’apprendre à voter. Qui suis-je dans tout ça ?

Cette situation ne pouvait plus durer comme ça, je ne pouvais plus passer mes journées et mes nuits à attendre que tu rentres de voyages, à ramasser tes vêtements sales, à essayer de donner de la vie à cet endroit si triste et si vide. Quand je suis arrivée, je n’ai quasiment rien apporté, peu de vêtements, que Franck a d’ailleurs bien froissés, le service à thé je l’ai laissé aux filles et mon lit, lui, n’était même pas nécessaire, tu n’étais pas là, tu en avais déjà un, tu m’as laissé un simple mot.

C’est fou comme on peut virer à 180°, j’étais mordue, j’avais des pics de toi plein la tête, et tes pieds, qu’est-ce que je pouvais aimer tes pieds. Mais ça n’avait pas duré.

Nous sommes trop différents, l’écart entre nous continue de se creuser et même si j’avais fait demi-tour pour essayer de retomber amoureuse de toi, de nous, ce champagne aux bulles plates, rien n’aurait fonctionné, il faut que je commande une autre coupe. Il fallait que tu te rendes compte que je n’étais pas à tes ordres, je peux partir, je peux prendre des décisions, je ne suis pas un simple accessoire pour rendre tes quelques nuits moins tristes.

Cet hôtel d’aéroport est bruyant, j’ai besoin de calme, comment réfléchir, brouhaha dans ma tête, de silence, dans le couloir, le même silence que tu créais, j’aurais dû demander une autre chambre.

Je vais t’attendre même sans nouvelle, même sans message, même avec le silence, je vais t’attendre jusqu’à l’éclipse, jusqu’à ce dîner en amoureux sur une terrasse panoramique que tu avais suggéré, je vais t’attendre nuits et jours, je vais attendre que tu fasses un signe même de tristesse, je vais attendre que tu me montres que tu ne tenais même rien qu’un peu à moi, à nous.

Je suis dans cet aéroport, après cette route de pluie et de larmes dans le taxi, à boire ce champagne plat, et ce serveur collant qui me fait des compliments, et j’attends, j’attends, j’attends. Avec un espoir ridicule, un amour perdu et les larmes de mon cœur, je t’attends. »

Il s’agit d’un texte fictionnalisé écrit par Justine Collet, stagiaire – mars 2022

 
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